Deuxième table ronde : institutions internationales

Alain Grumberg, modérateur :

Plan international, SOS Village enregistre des villages, UNHCR, Banque mondiale se sont également saisis de cette question comme l’OIF.

Jacques Krabal, OIF :

C’est un scandale de notre époque, les enfants sans identité. Cette question sera abordée lors de la réunion G5 Sahel à l’ONU NY. L’APF rappellera que l’établissement des registres d’état civil est la fondation de tout État de droit car cela accorde une identité juridique et sociale aux citoyens à la naissance.  C’est la clef de voûte des droits de l’enfant. L’UNESCO est lié à l’éducation et aux enfants, pour un respect universel de la justice, de la loi, pour tous, sans distinction de race, sexe, religion. A la veille de l’anniversaire de la Convention des droits de l’enfant il faut regarder en face les difficultés : les gouvernements et parlementaires, ONG, doivent faire en sorte que la Convention soit appliquée dans tous les États du monde. Donner des droits à un enfant c’est le considérer comme un citoyen mais au moins 230 millions d’enfants en sont privés aujourd’hui. Donc il faut prendre compte du phénomène et agir. Je tiens à saluer l’engagement du Notariat Francophone, de Jacques Toubon, de Michèle Vianès. Le fléau des enfants sans identité est un axe essentiel pour la période 2019-2022, il est le fil conducteur de tous leurs travaux depuis 2018. Projet pilote avec ONU Sida, UNICEF, au Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal. L’APF a adopté une loi cadre en juillet dernier mais il faut aller plus loin dans tous les pays, surtout ceux du G5 Sahel, pour faire de l’état civil la grande cause de la Francophonie en 2020. Faire de l’espace francophone la 1ere région du monde avec zéro enfant sans identité, c’est ambitieux mais réaliste car il y a mobilisation et volonté politique, des États, de la société civile, du numérique, comme le bracelet à bulles. Ce sont des bonnes nouvelles à la veille de cet anniversaire, pour ces droits qui ne sont pas acquis dans ce monde en ébullition.

Salmey Bébert, spécialiste protection des enfants UNICEF Niger :

Avec la question de l’état civil, le problème est :

– Déclarer les naissances,

– Posséder l’acte.

Au Niger en 2006, il y avait 32 % de déclaration des naissances et les enquêtes se font tous les 5 ans auprès des ménages. En 2012, cette même enquête a montré que le taux est monté à 64 % des déclarations des naissances. Il a fallu aller voir les communautés, même si la naissance est en dehors des centres de santé. Il y a  15 000 villages au Niger et dans chaque village il faut un carnet de déclaration. On s’est rendu compte que seulement 30 % des familles pouvaient montrer l’acte donc il faut un lieu de retrait car ils sont loin de ces lieux. Les parents peuvent demander un extrait d’acte de naissance mais ce n’est pas gratuit. Quand on se situe à 100 km de la commune qui donne l’extrait, les parents sont découragés donc ne vont pas les chercher. Avec le plaidoyer de l’UNICEF, le Niger a reçu 3 millions d’euros pour moderniser l’état civil et cela a donné de bons résultats et en 2016, l’UE a donné 10 millions d’euros donc il y a eu une informatisation du système. L’Union africaine recommande d’évaluer le système d’état civil. On ne peut pas enregistrer par le numérique si la loi ne le permet pas, l’Assemblée a adopté cette loi de modernisation donc la déclaration par le sms est possible.

Est-ce que l’évolution est positive au Niger ? 2/3 d’enfants déclarés et le dernier tiers vient du fait que personne ne sait lire ni écrire donc l’enregistrement n’est pas possible. C’est moins simple d’aller dans certaines régions,  proche du Mali par exemple.

Difficultés : méconnaissance des populations, coûts, crainte d’être enregistré, formation des agents d’état civil. Des fois, même si c’est gratuit il faut payer donc problème de corruption mais un problème de formation des agents d’état civil également.

Au Niger il y a une réforme locale, il va y avoir un changement de support et des bénévoles dans les villages vont aider. Il faut former ces agents car quand on demande la profession du père, que répondent les mères ? Il faut bien remplir les documents, notamment la manière de les transcrire car les agents écrivent comme ils entendent et cela peut poser problème.

Laurence Dumont, députée, membre de la commission des affaires étrangères, Assemblée nationale France.

Je fais de la politique avec « l’optimisme de la volonté et le pessimisme de l’intelligence ». Il y a une vraie prise de conscience, au niveau de l’APF c’est vrai. Jacques Krabal en a fait une priorité de son mandat. J’ai découvert cette problématique en lisant la préface de Robert Badinter dans le livre de Laurent Dejoie et Abdellah Harissou.. Je me suis dit que quand on croise cette problématique, on prend conscience d’un problème et on ne peut pas rester sans rien faire. Le film est un outil majeur de sensibilisation.   Sur le sujet de la formation des officiers d’état civil, il y a des coopérations décentralisées, et les officiers d’état civil sont parmi les fonctionnaires les moins valorisés dans ce pays. Il y a une formation à apporter. François Baroin est directeur de l’AMF (Association des Maires de France) et il faudrait le sensibiliser sur ces formations qui seraient très utiles.

David Karpe – Fernando Bissacot, Conseillers juridiques Principal et associé UNHCR Genève :

Je suis un avocat avec sept autres : nous sommes des conseillers techniques pour une réforme des lois pour répondre à l’acquisition de la nationalité par les enfants qui autrement seraient apatrides. Nous avons sept plans d’action globale, commencés en 2014. Ce qui est très important, c’est qu’il y a moins de 29 Etats qui ont des dispositions visant à accorder la nationalité aux enfants apatrides et trouvés.

Préconisez-vous que les Etats reconnaissent les enfants qui n’ont pas de nationalité ? Oui.

Comment agissez-vous ? Nous sensibilisons les Etats pour éviter l’apatridie, notamment celle des enfants. Nous faisons aussi un plaidoyer pour l’adoption de lois et de mesures politiques. L’UNHCR ne travaille qu’avec des Etats : une association ne pourrait pas être associée à nos actions.

Considérez-vous que les nouvelles technologies sont une aide ? Oui, avec le biométrique.

Mais c’est très coûteux ? la Banque mondiale est engagée dans un tel projet.

Salmey Bébert, spécialiste projection des enfants UNICEF Niger.

Dans le cadre de la modernisation, il y a un coût dans les pays. L’utilisation de la biométrie c’est cher, c’est pourquoi l’UNICEF pousse à l’utilisation de l’identification unique qui est plus facile. Les données sont statiques. Si les systèmes d’état civil sont statiques, on ne les réutilisera pas, et il y a un risque d’oubli des enfants. L’utilisation des identifiants uniques serait importante.

Laurence Dumont, députée, membre de la commission des affaires étrangères, Assemblée nationale France :

L’identifiant unique est très conforme à notre tradition française. Monsieur l’Ambassadeur évoquait des solutions pérennes mais l’enrôlement est une photo à un instant T de la situation dans le pays, ça ne résout pas la solution sur le long terme.

Alain Grumberg, modérateur :

Il y a des efforts communs et vous Laurence, dans le Calvados, vous ne vous contentez pas de mobiliser les lycéens et collégiens sur des projets d’état civil mais aussi de construire des ponts avec des enfants d’autres pays.

Laurence Dumont, députée, membre de la commission des affaires étrangères, Assemblée nationale France :

Les enfants français qui ont quasiment tous un état civil sont aussi concernés par cette problématique, même si les communautés africaines et Roms sont aussi touchées. A Mayotte et en Guyane il y a  des fratries dans lesquelles des personnes du Surinam qui se sont déclarées Français… Cette problématique doit être réfléchie par des personnes qui ont un état civil. Autour du 20 novembre tout le monde va nous parler de cela donc les enfants français doivent avoir conscience de ce problème et les personnes, dont Michèle Vianès, vont dans les classes et demandent de produire des éléments de communication, ex : spectacle de marionnettes, chansons, etc. Des pays africains peuvent être en partenariat. Cet échange est extraordinaire.

Débat avec la salle.

Intervention de la salle :

En Côte d’Ivoire, l’identification et l’enrôlement peuvent être associés en faisant un enrôlement de la population qui contient le recensement électoral. Ainsi ils ont une carte nationale d’identité et une carte d’électeur et à chaque élection on enrôle les nouveaux électeurs donc l’enrôlement conduit au recensement électoral et au recensement de la population. Les jeunes majeurs, à chaque révision de liste électorale, doivent être révisés. Le problème des enfants doit être pris à bras le corps et l’école gratuite permet de ratisser encore plus large. Il faut continuer à sensibiliser tout le monde, et aussi les jeunes générations.

Achiata Djiman, administratrice de Regards de Femmes :

Question à Mme Bébert : y-a-t-il des statistiques concernant les filles non déclarées ?

Le problème est non seulement la déclaration mais le retrait du document. Les femmes n’ont pas le droit de déclarer parfois. Quand ce ne sont pas les parents qui choisissent le prénom, la mère quitte la maternité sans savoir le prénom de son bébé. La déclaration peut être faite, puis parfois le prénom est changé lors du baptême : il faut bien noter l’incidence du social. Il faudrait que la femme puisse aussi déclarer, ce serait une forme d’équité.

Laurence  Dumont, députée, membre de la commission des affaires étrangères, Assemblée nationale France :

A l’Assemblée nationale l’enjeu est aussi de faire un état des lieux de la différence de déclaration de l’état civil entre les filles et les garçons : y-a-t-il des différences et si oui dans quels pays ?

Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire :

Nous avons fait une expérience dans la thématique des enfants trouvés et abandonnés, des enfants immigrés en Côte d’Ivoire. Une catégorie d’enfants est abandonnée à la naissance et n’a pas de parents identifiés : ils sont recueillis dans les pouponnières et sont des pupilles de l’Etat, mais ils n’ont pas une identité régulière car ils ne peuvent pas avoir de patronyme. Il a fallu faire un plaidoyer pour que la question soit réglée : on a obtenu une circulaire du ministère de la Justice qui a permis d’établir des jugements supplétifs pour donner un acte de naissance et une nationalité. Avant, c’était quand ils étaient placés dans une famille qu’ils pouvaient être identifiés et avoir un patronyme. Il a fallu une loi spéciale de nationalisation par naturalisation.

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