I/ Contexte

La politique du Gouvernement depuis 2011 est orientée sur des axes dits prioritaires qui doivent dans leur mise en œuvre, permettre à la Côte d’Ivoire, d’atteindre l’émergence souhaitée. L’identification des  axes prioritaires ont permis des réflexions qui ont abouti à l’élaboration et l’adoption du Plan National de Développement (PND) qui oriente l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux pour l’atteinte de résultats majeurs qui, comptabilisés, justifieront de l’atteinte de l’émergence.

L’axe stratégique 1 du PND “renforcement de la qualité des institutions et de la gouvernance” prévoit à l’image des pays développés qu’à l’horizon 2020, soit disponible, un fichier unique de la population par le renforcement du système national de l’état civil en veillant à ce qu’une bonne proportion de la population connaisse l’intérêt, adhère et s’adapte aux procédures de déclaration des naissances.

L’enjeu de cette priorité nationale se comprend vu l’importance de la déclaration des naissances dans la vie de tout individu. D’abord, il est déclaré comme un droit : le droit à l’identité qui octroie un nom et une personnalité juridique à chacun, car nul n’est personne s’il n’a pas de personnalité juridique.

Le droit à l’identité permet d’aller à l’école, de se marier, d’ouvrir un compte bancaire, d’avoir une nationalité, d’être soigné, de voter, de voyager avec un passeport ou une carte d’identité… toutes choses qui nous montrent que sans déclaration et enregistrement, l’enfant ne peut pas être protégé car il n’existe pas aux yeux de la loi.

Ensuite, c’est une obligation pour tous d’être déclarés et enregistrés à la naissance à l’état civil pour permettre au Gouvernement de prendre des mesures pour accompagner le développement des personnes, des, communautés et du pays.

Ces droits et obligations se rapportant à la question de la déclaration et de l’enregistrement des naissances sont rappelés et organisés par  la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, le Pacte International sur les Droits Civils et Politiques de 1966, la Convention Internationale sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard de la Femme de 1979, la Convention des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant de 1989, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant de 1990, le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme 2003.

Il est bon de rappeler  que la Côte d’Ivoire a ratifié tous ces instruments et dispose de lois et règlements internes organisant la question en droits et obligations. Ainsi, nous avons principalement, la loi n° 99-691 du 14 décembre 1999 portant modification  de la loi n° 64 -374 du 7 octobre 1964 relative à l’état civil, la loi n° 83-799 du 2 août 1983, portant modification des lois n° 64-373, n° 64-374 et n° 64-377 du 7 octobre 1964  relatives au nom, à l’état  civil, à la paternité et à la filiation et le code de procédure civile, commerciale et administrative.

Avec ce dispositif législatif et règlementaire, la non-déclaration des naissances est devenue une préoccupation majeure pour la communauté nationale et internationale qui veut s’assurer que chaque citoyen et chaque citoyenne a un statut sur la base de sa déclaration à la naissance.

En dépit de cette importance de la question de l’identité des personnes, les statistiques montrent une situation peu reluisante.

II/ Des statistiques sur la déclaration des naissances

  • Selon le RGPH 2014,
    • les personnes ayant affirmé avoir été déclarées à l’état civil sont au total 17 794 379 soit 78,5 % de la population totale.
    • l’effectif des personnes ayant déclaré n’avoir jamais été déclarées à l’état civil est de 3 926 034 (17,3 %).
    • parmi les personnes non déclarées à l’état civil (3 926 034 individus), on note à peu près autant d’hommes que de femmes (49,5 % et 50,4 %). Cet effectif comporte 34,5 % de moins de 5 ans soit 1 344 482, plus des trois quarts de la (77,7 %) vivent en milieu rural.
  • Selon UNICEF Côte d’Ivoire,

Le nouveau Représentant Résident de l’UNICEF, lors de sa rencontre avec le Directeur général de l’UNICEF France, Sébatien Lyon et de la Directrice de la communication et du plaidoyer, Juliette Chevalier à l’occasion de leur visite en Côte d’Ivoire le Vendredi 26 Août 2016 a déclaré que dans notre pays:

  • Un (1) enfant sur 3 n’est pas déclaré. Ces enfants n’ont aucune identité officielle et sont ainsi privés d’accès à leurs droits fondamentaux à la santé, à l’éducation et à la protection.
  • En milieu rural, seuls 47% des enfants sont enregistrés à la naissance, en comparaison aux zones urbaines où le taux est de 84%, ».
  • Selon l’Analyse de la Situation de l’Enfant en Côte d’Ivoire (SITAN) 2014,

En 2000, deux tiers (2/3) des naissances des enfants de moins de 5 ans étaient encore enregistrés. En 2006 cette proportion avait reculé pour atteindre un peu plus de la moitié des enfants (55%). On estime aujourd’hui (2014) à 2.800.747 le nombre d’enfants de 0-17 ans non enregistrés, dont près de 1,3 millions de moins de 5 ans et 1.552.236 enfants en âge de scolarisation (5-17 ans). Cette population est donc potentiellement exclue de l’accès à certains services de base y compris la protection spéciale due aux mineurs.

  • Selon l’EDSCI-III 2011-2012,

35% des enfants de moins de 5 ans et 24% des enfants de 0-17 ans n’existent pas légalement, faute d’avoir été enregistrés à l’état civil. 65% des enfants de moins de 5 ans ont été déclarés à l’état civil, mais seulement 45% avaient un acte de naissance. Le taux d’enregistrement est plus élevé chez les enfants de 15-17 ans (85%).

  • Selon l’Etude INS/UNFPA/UNICEF/HCR

« Etude de base sur les centres d’état civil et les connaissances, les attitudes et les pratiques des populations des régions du GBEKE, DU GUEMON, DU KABADOUGOU, DU TONKPI ET DU WORODOUGOU en matière d’état civil », 2013

  • 87,74% de la population connaissent au moins un avantage de l’enregistrement à l’état civil,
  • Seulement 30% connaissent l’existence du délai de 3 mois pour la déclaration des naissances,
  • 45% savent que la déclaration est gratuite, et
  • 47% savent où déclarer une naissance.

Pour illustrer cette situation, il faut se référer à quelques statistiques liées aux élèves dans le primaire au niveau de Bondoukou. Il est constaté qu’aux niveaux du CP1 sur 21 448 élèves, 48.86% sont sans extraits, CP2  sur 21 238 élèves, 43.21% sont sans extraits, CE1 sur 18.173 ,42.40% sont sans extraits, CE2  sur 18 009 élèves,  38.81%  sont sans extraits, CM1 sur 15 009 élèves, 35.41 % sont sans extraits, CM2 sur 15 312 élèves, 11.10 % sont sans extraits.

La Ministre de l’Education Nationale a pris des mesures temporaires pour aider les enfants à aller à l’école, c’est-à-dire une autorisation d’inscription les enfants à l’école sans acte de naissance et aussi un document les autorisant à passer l’examen d’entrée en sixième sans acte de naissance. Elle est pour cela à féliciter. Mais des mesures et actions doivent être prises pour un règlement définitif de la question.

III/ Procédure de déclaration des naissances

Lieu de la déclaration de naissance

La déclaration de naissance se fait à la mairie ou à la sous-préfecture auprès d’un officier ou d’un agent de l’état civil.

Personnes pouvant déclarer la naissance d’un enfant 

La naissance de l’enfant peut être déclarée par :

  • Le père
  • La mère Le grand-père
  • La grand-mère
  • L’oncle
  • La tante
  • Le frère
  • La sœur
  • Le tuteur légal.
Pièces à fournir pour déclarer un enfant 

1- La pièce d’identité de la personne qui déclare.

2- Le certificat de naissance (papier délivré à l’hôpital à l’accouchement).

3- Le livret de famille des parents (pour ceux qui sont mariés).

4- La pièce d’identité du père ou de la mère de l’enfant si c’est une autre personne qui fait la déclaration.

5- Le carnet de naissance de l’enfant.

Délai accordé pour la déclaration de naissance

Jusqu’à trois (3) mois après le jour de l’accouchement à l’hôpital ou à la maison. ATTENTION : si vous ne faites pas la déclaration pendant les trois mois, cela ne sera plus gratuit.

Que faire lorsque la déclaration n’est pas faite dans le délai de trois (3) mois ?

Il faut se rendre au Tribunal du lieu de naissance de l’enfant pour obtenir un jugement supplétif (entre 12.000 et 30.000 F CFA.) Or, si la déclaration est faite pendant les trois premiers mois, c’est gratuit. Cependant, malgré le retard, il faut déclarer son enfant car c’est un droit pour lui et un devoir pour les parents ou le tuteur légal.

IV/ Des intitiatives de résolutions de la question de la déclaration des naissances

  • Actions de l’ONEF

La non-déclaration des naissances est une situation qui pourrait conduire les personnes concernées à l’apatridie, c’est-à-dire, des personnes qui n’ont pas de lien de rattachement avec aucun pays.

L’extrême importance de la déclaration des naissances a poussé l’ONEF à entreprendre des initiatives, aux cotes d’autres institutions comme l’UNICEF, l’Etat et de certaines organisations de la Société civile.

Des actions entreprises, nous relevons des projets qui visent à sensibiliser sur l’importance de la déclaration des naissances, des formations des acteurs de l’enregistrement des naissances, des opérations de régularisation des déclarations des naissances, des audiences foraines…qui aident à mettre à niveau les centres d’état civil.

L’expérience de l’ONEF dans certaines régions dont le Gontougo, a permis la mise en place de deux mécanismes, l’un communautaire et l’autre sous une plateforme de collaboration des acteurs.

Le mécanisme communautaire de la déclaration des naissances facilite l’ouverture de centres d’état civil secondaires qui sensibilise la communauté à un niveau local, recueille les déclarations et les communique au centre principal. Cette approche peut connaitre des améliorations avec l’appui et le soutien de la chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire et des religieux. Mais déjà, elle permet aux populations de s’organiser et de participer à la déclaration des naissances dans leurs villages et quartiers.

L’approche avec la plateforme facilite le regroupement de la plupart des acteurs impliqués dans l’enregistrement des naissances avec pour rôle de sensibiliser, de se réunir de façon périodique et de réfléchir et traiter les difficultés locales remontées par les mécanismes communautaires. Cela permet donc aux instances centrales de gouvernance de disposer de données fiables sur la situation au niveau des différentes régions du pays et de les traiter à échelle.

Des résultats des actions des plateformes, peuvent être mis à contribution avec différents niveaux d’implication et de responsabilités de certains services administratifs, sociaux et sanitaires comme les mairies, les centres sociaux, les centres de santé, la chefferie, les IFEF, les centres d’éducation spécialisées….

L’ONEF fait également un plaidoyer auprès des autorités nationales, en vue de réformes profondes de l’état civil, de sorte à permettre à toutes les personnes non déclarées de le faire gratuitement auprès des institutions habilitées.

L’ONEF appui le Ministère de la Femme à organiser et à mener le plaidoyer auprès des autres membres du Gouvernement pour faire avancer la situation des femmes et des enfants se trouvant dans cette situation.

  • Actions du Ministère de la Femme, de la Protection de l’Enfant et de la Solidarité (MFPES) et de ses partenaires

Les prérogatives de l’enregistrement des naissances sont dévolues principalement aux ministères en charge de l’administration du territoire et de la justice. Ils appellent toutefois, l’action de plusieurs autres structures dont le Ministère de la Femme qui lui, détient l’engagement de la protection de l’enfant et de la condition de la femme.

Le constat de l’absence de déclaration des naissances étant préjudiciable aux enfants et aux femmes, c’est le Ministère de la Femme et de la Protection de l’Enfant et ses partenaires qui le font et œuvrent à son dénouement.

Il convient d’identifier dans le cadre d’une action concertée, les partenaires du MFPES pour aider à la résolution de ce problème.

En définitive, la déclaration de l’enfant à l’état civil constitue devant le droit, une formalité plus capitale que le baptême, la présentation ou l’initiation de l’enfant.

D’où la nécessité urgente pour le Gouvernement de traiter cette problématique, pour une meilleure protection des enfants et des personnes.

Pour ce faire, le Ministère est en train de s’engager de plus en plus sur la question de la déclaration des naissances. Et notre organisation l’y accompagne techniquement.