Luisa FENU, chargée du plaidoyer international et programmes au Comité Français pour l’UNICEF. Mme. Fenu a reçu Regards de femmes. Madame FENU a pour mission de travailler sur l’égalité femmes-hommes et la réduction des violences à l’égard des filles à travers une approche multi-sectorielle (santé, nutrition, WASH, ETC). Elle s’occupe de la gestion et du suivi des projets soutenus par le Comité Français pour l’UNICEF.

L’action de l’UNICEF sur la non déclaration des naissances a pour but d’accompagner et développer les systèmes de collecte de données d’état civil : naissance, mariage, divorce et décès.

Regards de femmes a présenté ses actions depuis 2011, les objectifs de la création de la plateforme www.etatcivil.pw et a rappelé les échanges précédents avec l’UNICEF New York, en particulier la présentation du rapport  « Everychild’s birth right Inequities and trends in birth registration » par  Claudia Cappa en 2014 puis Nadia Kassam en 2016 aux parallel events organisés par l’association pendant les CSW.

1.1. Pouvez-vous nous donner plus de précisions concernant les modes de calcul des statisticiens pour évaluer le nombre d’enfants non- déclarés ?

C’est très compliqué car les systèmes administratifs de collecte de données de l’état civil restent peu développés. L’UNICEF s’appuie sur les enquêtes ménagères avec de multiples indicateurs qui permettent des données comparables pour évaluer les avancées ou les reculs.

1.2. Cette année la thématique de la CSW concerne l’émancipation des femmes vivant en milieu rural. Vous pointez l’écart significatif des déclarations entre les zones urbaines et les zones rurales. Quelles actions préconisez-vous pour réduire cet écart ?

Se rendre en ville pour déclarer les naissances coute cher. Il faut donc un système mobile pour rendre les services accessibles au niveau communautaire.

L’UNICEF propose dinvestir sur un rapprochement entre les services de santé et les services d’état civil. La sensibilisation des femmes et des familles à la déclaration des naissances devrait être effectuée par les services de santé et les services communautaires. Les mères sont très sensibles aux campagnes de vaccination de leurs enfants. Il faudrait coupler la vaccination et le recueil des faits d’état civil, avec, par exemple, la présence d’un agent d’état civil au centre de santé.

1.3. Vous montrez le lien entre la non-scolarisation des femmes et l’absence de déclaration des enfants. Quelles solutions proposez-vous pour sortir de ce cercle vicieux ?

Les filles n’ont pas accès à la scolarisation c’est un défi important. Améliorer la qualité des services publics facilitera l’accès à l’enregistrement universel et à l’éducation des filles.

1.4. Pouvez-vous nous citer 2 ou 3 actions positives que vous avez initiées et avec quels partenaires depuis la publication de votre rapport de 2013 ?

L’UNICEF décline un programme en « 4 I »

INTEROPERABILITE des services : La manière la plus efficace pour la déclaration des naissances se situe à la naissance mais elle doit également pouvoir se faire partout, par exemple au moment des soins de santé ou de l’inscription à l’école.

INNOVATION : Cela passe par des solutions innovantes pour toucher les populations les plus vulnérables et les plus isolées en zone rurale. La mise en place d’un service d’état civil mobile est indispensable. Il faut également dépêcher des agents de sante communautaires qui, non seulement vaccinent et distribuent des vitamines, mais aussi identifient les enfants non enregistres et prennent les déclarations.. La déclaration par téléphone cellulaire ou autre moyen de communication peut être développé, en veillant à la sécurité et la protection des données personnelles.

INITIATIVES : Donner un coup de pouce aux Etats pour les convaincre de l’intérêt de l’état civil afin de connaitre l’état de leur population et prévoir les actions de développement.

Les agents d’état civil, trop souvent, ne sont ni formés, ni rétribués. La professionnalisation des services d’état civil est indispensable.

INVESTISSEMENTS : L’UNICEF sollicite les bailleurs internationaux pour mobiliser les Etats et les soutenir dans l’action de déclaration des naissances d’autant plus que c’est un Objectif de Développement Durable (ODD 16.9). L’objectif serait de mettre en place un pack intégré de service de santé maternel et du nouveau-né, couplé à la déclaration des naissances.

2. Vous venez de publier « A Snapshot of Civil registration in Sub-Saharan Africa ». Ce document couvre la période de décembre 2016 à novembre 2017. Il ne se borne pas à la déclaration des naissances mais met en lumière la non-déclaration d’autres faits d’état civil les mariages et décès d’enfants.

2.1 Quelles sont les principales barrières à la non-déclaration ou au non-enregistrement des faits d’état civil ?

L’éloignement et la non sensibilisation des populations. Le cadre légal et politique n’est pas adapté dans de nombreux Etats. On doit les convaincre de mettre à jour une législation conforme au droit universel.

Les services d’état civil sont sous financés et non professionnalisés. En outre, les populations ont une méconnaissance de l’importance de l’enregistrement des naissances, des mariages et des décès.

2.2 Comment expliquez-vous que la population vaccinée est plus nombreuse que celle pourvu d’état civil ? Comment les services de santé sensibilisent-ils et contrôlent-ils le suivi des vaccinations ?

C’est en observant cette différence que l’UNICEF a réalisé qu’il fallait coupler les deux, comme indiqué dans la réponse à votre question 1.2. La couverture des services de santé surpasse largement celle de l’état civil.

2.3 Est-ce que vous pensez que l’ODD 5.3 sur l’élimination des mariages d’enfants puisse être atteint d’ici 2030 ? Quelles mesures drastiques les Etats doivent-ils prendre ?

Elimination, non, mais réduction OUI. Ce n’est pas un objectif mais une cible. L’UNICEF agit pour informer sur le danger des grossesses précoces et les diminuer. Mais que faut-il investir sur la petite enfance ? Quels enseignements donner aux filles et aux garçons sur le sujet ? Comment favoriser l’autonomisation des filles et changer les comportements sur la santé sexuelle et reproductive ?

2.4. Vous soulevez le problème de la non-déclaration des décès des enfants ? Est-ce un problème qu’on retrouve dans d’autres régions du monde ?

L’Amérique Latine semble avoir un taux élevé d’enregistrement des faits d’état civil mais l’Asie pose problème.

3.  À votre avis, qu’est-ce que RDF peut apporter à l’UNICEF, et inversement, sur la question de la déclaration des naissances ? Quelles autres actions souhaitez-vous partager ?

Il est intéressant d’engager la discussion, les échanges, la connaissance des actions des différents acteurs, de créer les liens. La plateforme est une action importante car il n’y a pas de bases de données sur le sujet.

Ce serait intéressant d’explorer la possibilité d’organiser une réunion à l’Assemblée Nationale sur le sujet et un évènement avec la francophonie.