Intervention lors du colloque :

Pour les droits humains universels des femmes 
25 ans d’actions de Regards de Femmes 

Samedi 21 OCTOBRE 2023 – 9h – 18h

Conseil Régional Auvergne Rhône-Alpes – Lyon
1ère Table ronde : Pleine citoyenneté des femmes

Être enregistré à la naissance : se sont les racines de l’arbre des DH, c’est la base de tous les droits ; être déclaré à la naissance = le + élémentaire et fondamental de tous les droits de l’Homme. Il donne 1 existence juridique à un enfant et permet de garantir la protection de ses droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels.

La Convention relative aux droits de l’enfant (1989, art. 7) prévoit que « tous les enfants ont le droit à l’enregistrement de leur naissance sans discrimination. »

Or, ¼ des enfants < 5 ans dans le monde (Unicef, 2017) n’ont pas d’existence légale. Le taux d’enregistrement des enfants < 5 ans le + bas dans le monde = en Afrique subsaharienne : 43% enfants < 5 ans enregistrés. Dans les statistiques sur le nombre d’enfants sans identité juridique, il n’y a pas vraiment de distinction entre les filles et les garçons ;
Néanmoins, la situation des filles et des femmes reste difficile dans de nombreux pays de l’espace francophone ; et l’inégalité des sexes impacte directement cette question de l’état civil et de l’enregistrement des naissances en particulier.

Table Ronde : Pleine citoyenneté des femmes, de gauche à droite : Rachel Gogoua, Présidente du GOFEHF. Léonie Guerlay, Cheffe du service état civil, Organisation Internationale de la Francophonie et la Modératrice Hala Oukili, journaliste

Comment se manifeste la discrimination à l’égard des filles et des femmes dans l’enregistrement des naissances ?

  • Il y a d’abord les obstacles législatifs : dans beaucoup de pays, le corpus juridique contient encore, en dépit de l’adhésion aux textes internationaux consacrant l’EFH, des lois discriminatoires : elles peuvent parfois interdire aux femmes de déclarer leurs enfants ; ou encore de transmettre leur nationalité ; ou encore des lois qui interdisent la déclaration des enfants nés hors mariage,
  • Il y a ensuite les obstacles sociologiques : des coutumes et pratiques traditionnelles peuvent décourager le processus d’enregistrement des filles, donnant la primeur à leurs frères ; ou encore, l’absence de déclaration d’une petite fille permettra par exemple de dissimuler l’infanticide, ou le mariage forcé,
  • Nous avons observé au Niger, ou nous travaillons depuis 2020 notamment avec RdF, que dans les zones notamment rurales ou la fréquentation de l’école est aussi un mécanisme de régularisation pour l’enregistrement, la non participation des filles au système éducatif prive celles-ci d’une possibilité d’être enregistrées => lorsque ces jeunes filles, non scolarisées deviennent mère à leur tour, elles ne peuvent – faute d’identité juridique – enregistrer leurs enfants,
  • Dans ce même projet au Niger, nous enregistrons de nombreuses mamans venues initialement accompagnées pour enregistrer leurs enfants,
  • Il y a enfin, les freins économiques : par exemple et notamment pour les femmes accouchant en zone rurale, les coûts de transport jusqu’à l’organisme d’enregistrement le plus proche peuvent vite être trop élevés ; ajouté au temps non travaillé dédié à cette démarche.

Quelles sont les conséquences du non-enregistrement sur les droits des filles et des femmes ?

  • Elles sont plus en proie aux mariages forcés et précoces, aux trafics et à l’exploitation,
  • Elles ne sont pas scolarisées ou sont déscolarisées au moment de se présenter aux examens,
  • Elles ont un difficile accès aux services sociaux de base : soins de santé, etc.
  • Elles ne sont pas libres de circuler,
  • Elles ne peuvent exercer leurs droits civiques,
  • Elles ne peuvent travailler dans le secteur formel et donc sont freinées pour devenir autonomes notamment financièrement.

Comment agir ?

  • LM, SG OIF a fait de ce sujet une priorité de son 1er mandat et porte ce plaidoyer auprès de nos E&G pour qu’il fasse de l’état civil une priorité politique,
  • Il y a ensuite l’accompagnement pour moderniser, adapter les cadres juridiques : l’OIF a ainsi rejoint le programme continental porté par la Communauté économique pour l’Afrique qui appuie notamment la systématisation des évaluations et définition de plan stratégique national pour moderniser les systèmes d’enregistrement des faits d’état civil,
  • Il y a des résultats. La loi de 2019 en Guinée a ouvert la déclaration de naissance à la mère (seul le père disposait de ce droit dans la loi précédente),
  • Et enfin, il y a tout le travail – vaste mais non moins essentiel – pour informer, rassurer, sensibiliser, accompagner les populations et acteurs locaux en charge de l’état civil.

L’état civil est une responsabilité étatique, une mission régalienne, donc nos actions ne peuvent et ne doivent pas remplacer le rôle des autorités nationales ; en revanche le fléau des enfants fantômes – de surcroit sur un continent dont plus de la moitié de la population aura moins de 25 ans en 2050 – reste trop méconnu ; continuons à en parler pour qu’enregistrer son enfant à la naissance soit automatique où qu’il naisse dans le monde.

Léonie GUERLAY

Vidéo de l’intervention