Députée à l’Assemblée nationale de la France, membre de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie et de l’Union Interparlementaire
Février 2018
RDF : Pourquoi vous êtes-vous impliquée dans les actions pour la déclaration de naissances ?
LAURENCE DUMONT : C’est en écoutant Robert BADINTER, sur France Inter, parler du livre de l’Association du Notariat Francophone (ANF) qu’il avait préfacé sur les enfants fantômes que j’ai découvert, il y a 4 ans, l’ampleur de ce phénomène et ses conséquences. Dans des sociétés occidentales comme la nôtre où l’enregistrement des naissances se fait au berceau de la maternité, cette question ne se pose pas.
Je me suis empressée de lire l’ouvrage et à partir de là, j’ai souhaité m’engager pour faire connaître ce fléau et agir pour une généralisation de la déclaration des naissances dans le monde.
Cette non-déclaration a des conséquences telles qu’il est inconcevable de ne pas se mobiliser pour faire évoluer les choses, a fortiori lorsque l’on est élu et qu’il nous est possible d’intervenir au sein d’instances nationales et internationales.
C’est ce à quoi je m’emploie depuis, et même au niveau local, car je pense que c’est une mobilisation de tous qui permettra de donner à ces enfants leur acte de naissance, leur existence dans la société.
Actions de Laurence DUMONT
Dès 2014, j’ai intégré la section française de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) et j’ai organisé, à l’Assemblée nationale, un colloque sur la déclaration des naissances afin de faire le bilan et de dresser des pistes d’actions. Robert BADINTER, Michaëlle JEAN, Présidente de l’OIF, ou encore Monsieur SAWADOGO, inventeur de I-CIVIL et de nombreuses personnalités et structures impliquées pour cette cause étaient présentes.
J’ai ensuite présenté un rapport et obtenu son vote à l’unanimité à l’Assemblée générale de l’APF à Genève sur la déclaration des naissances et l’encouragement des états concernés pour sa mise en œuvre.
J’ai, par ailleurs, saisi les Ministres des Affaires étrangères successifs de la France afin de porter ce sujet, notamment à l’ONU. La déclaration des naissances fait désormais partie des objectifs de développement durable adoptés à New York en septembre 2015.
J’ai ensuite intégré l’Union Interparlementaire (UIP) devant laquelle j’ai présenté un rapport et obtenu le vote d’une résolution sur la déclaration des naissances.
Enfin, depuis deux ans, convaincue que pour faire avancer la déclaration des naissances dans le monde, il faut faire connaître l’ampleur du problème partout, j’ai lancé un appel à projets auprès des élèves de collèges et lycées de mon département, en lien avec le Rectorat de Caen.
Ces jeunes sont chargés d’élaborer, sur les supports de leur choix, des outils de communication pour informer et sensibiliser la population.
Les résultats sont émouvants et impressionnants et permettent de contribuer à la mobilisation de l’opinion publique.
Enfin, j’ai obtenu la création d’une mission d’information de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur la problématique des enfants non déclarés à l’état civil. Elle devrait se mettre en place au 2ème semestre 2018.
Au-delà d’un diagnostic de la situation de la déclaration des naissances, elle aura pour objet de travailler à l’élaboration de propositions concrètes en matière de coordination des actions et d’aide aux pays concernés au niveau européen et international.
Pistes d’actions
Aujourd’hui, les priorités sont a minima au nombre de deux :
- la nécessité de faire connaître cette problématique au plus grand nombre, afin de recueillir des moyens et des financements pour mettre en œuvre les opérations de déclaration des naissances et le développement des solutions techniques et technologiques. L’enjeu est également d’aider les Etats à mettre en place des systèmes d’état civil fiables et respectueux de la protection des données personnelles. Ce à quoi s’emploie « Regards de femmes », notamment avec la création de sa plateforme.
- la coordination de l’action internationale en faveur de la déclaration des naissances. La prise de conscience des institutions internationales et nationales existe. Nous avons voté des résolutions à l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, à l’Union Interparlementaire ; l’ONU a adopté en septembre 2015 les Objectifs du Développement durable (ODD) au sein desquels figure explicitement l’enregistrement des naissances. Il faut maintenant coordonner les fonds et les actions.
Une proposition pertinente a été présentée par la lauréate des plaidoiries du mémorial de CAEN à ce sujet en 2016, en proposant la création d’une agence au sein de l’ONU en charge de cette tâche. Je l’ai d’ailleurs relayée auprès de la délégation permanente de la France à NEW-YORK.
La déclaration des enfants à l’état civil est fondamentale pour vivre en société. L’acte de naissance fonde notre existence, assure nos droits et notre protection.
La communauté internationale doit en finir avec ce « malheur ignoré », aux enjeux si essentiels pour ces enfants et leurs pays car, comme le déclarait Robert Badinter dans la préface du Livre Les enfants fantômes de Laurent Dejoie et Abdoulaye Harissou, « Rien ne saurait justifier le silence qui enveloppe la condition cruelle de ces enfants fantômes… Nous ne saurions accepter la condition injuste et douloureuses de ces millions d’enfants et d’êtres humains. »
Et ce d’autant plus que des solutions existent, telle celle d’Adama Sawadogo « i-civil ».
La question est maintenant celle de la volonté politique !